Comment alors aligner ses valeurs environnementales et la beauté d'un sport poussé par le vent avec des constructions navales à fort impact environnemental ?
Kairlin® : notre vision du composite
Aussi fou que cela puisse paraître pour ceux qui ne connaissent pas la société, l'origine du Kairlin®, c'est la course au large, la voile en solitaire autour du monde.
Les origines du Kairlin®
Pour mieux comprendre notre vision et le Kairlin®, un petit retour en arrière s'impose sur la société qui en est à l'origine.
Kaïros a été fondée par Roland Jourdain, dit « Bilou », en 2007 pour gérer ses projets de course au large.
Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, Bilou c'est :
- 3 Vendée Globe,
- 2 victoires sur la route du Rhum,
- 2 victoires sur la transat Jacques Vabre,
- 3 fois champion du monde IMOCA,
- 45 ans de navigation d’équipier, d’Éric Tabarly à la première Route du Rhum jamais faite avec un bateau à 50% en fibres de lin en 2022... Mais ça on vous en parlera plus tard.
En 2009, Bilou est le premier à faire un bilan carbone d'un Vendée Globe : le résultat est sans appel. Les matériaux composites utilisés dans les bateaux de courses ont un impact environnemental élevé.
Rejoint entre-temps par Sophie Vercelletto, ex-DG du Vendée Globe, ayant le même désir de répondre à cette question, les deux acolytes aboutissent à : Kaïros Environnement et Explore.
Le premier sera un bureau d'étude spécialisé en bio-composite pour trouver des alternatives à la fibre de verre et la fibre de carbone,
Le second sera un fonds de dotation pour accompagner des projets d'exploration marine et de préservation de l'environnement.
Les premiers développements de Kaïros Environnement amènent à fabriquer des surfs, puis des paddles et enfin en 2013, le Gwalaz, le premier trimaran en bio-composite : fibres de lin, liège et résine partiellement biosourcée. A l'époque, la fibre naturelle plaît mais ne séduit pas le monde de la course au large, où le moindre gramme est traqué afin de gagner en vitesse. Les compétiteurs ne sont pas prêts à abandonner la fibre de carbone dont le rapport propriétés mécaniques / poids est difficilement atteignable pour la fibre naturelle.
Qu'importe ! 70% des déchets plastiques dans les océans viennent de la terre : Kairos Environnement se spécialisera en bio-composite sur terre comme en mer.
Le composite, qu'est-ce que c'est ?
On appelle matériau composite, un matériau composé de plusieurs composants.
On retrouve ces matériaux dans de multiples domaines et applications avec notamment les panneaux de bois composites et le béton composite. Nous nous limiterons néanmoins ici aux plastiques renforcés fibres (FRP) où les fibres appelés « renforts » apportent la structure et les performances mécaniques tandis que le plastique quant à lui, appelé « matrice » enrobe les fibres et les lie entre elles.
Les fibres peuvent être synthétiques comme la fibre de verre ou naturelle comme la fibre de lin. Les matrices sont quant à elles thermodurcissables ou thermoplastiques.
Quelques explications pour comprendre la suite :
- les plastiques thermodurcissables (les résines polyester ou Epoxy par exemple) : utilisons la métaphore de l'œuf pour explication. Liquide à l'origine, il deviendra dur si on le cuit. Une fois dur, il le restera. Ces plastiques sont très difficilement recyclables. Ils sont soit broyés et intégrés dans d’autres matériaux comme le béton mais cela participe à la dispersion de microplastique dans l’environnement. Soit ils sont traités par pyrolyse, c’est-à-dire brûlés à très haute température entre 400 et 750°C, ce qui nécessite une consommation importante d’énergie, pour récupérer le fibres uniquement, la matrice étant brûlée au cours du process.
- les plastiques thermoplastiques (PP, PVC, PLA par exemple) : utilisons le chocolat cette fois-ci. Dur quand il est froid, il fond quand il est chaud. Contrairement à l'œuf, on peut le faire fondre, lui donner une forme de tablette de chocolat par exemple puis le refaire fondre pour lui donner la forme d'un lapin au chocolat. C'est ce qui lui permet d'être plus facilement recyclable.
Or dans l'industrie du composite, on utilise majoritairement des composites résine thermodurcissable (70% de la production selon le Guide du recyclage des composites – CRECOF – 2017 ) mélangé à de fibres de verre.
Avez-vous déjà vu des images de cimetières de pales d’éoliennes ?
Contrairement au bois par exemple, la quantité de calories dégagée par la combustion du verre ou du carbone ne suffit pas à sa propre combustion. Il est donc nécessaire d’apporter une quantité d'énergie supplémentaire importante et donc coûteuse, pour incinérer de la fibre de verre ou de carbone.
La fin de vie d'un composite est donc dans la grande majorité des cas l'enfouissement. Le pire scénario de fin de vie avant les décharges sauvages. C’est ce qu’on appelle les déchets ultimes.
Crédit photo : BENJAMIN RASMUSSEN/GETTY IMAGES
L'industrie du composite c'est le nautisme, l'aviation, le ferroviaire, le transport routier, les éoliennes ou encore les baignoires. Un secteur en croissance continue (3 à 7 % /an en Europe et 10 à 15 % /an en Asie) dont le marché Français représentait environ 300 000 tonnes en 2010 et d’autant à traiter en fin de vie.
En 2010, on évaluait les rebuts de production de 7 000 à 15 000 tonnes / an et les produits en fin de vie de 3 000 à 7 000 tonnes / an, tout en estimant une croissance forte de la quantité de déchets liés à la fin de cycle des bateaux de plaisance, des pales d’éoliennes, de l’aéronautique et de l’automobile (Guide du recyclage des composites – CRECOF – 2017).
Autrement dit, une quantité astronomique de déchets ultimes dont aujourd'hui, l’unique fin de vie viable est l'enfouissement.
Avant la crise sanitaire, une croissance avec un taux annuel de croissance de +7,6 % de 2020 à 2027 était envisagée (Livret GREC, Guide du recyclage et de l’écoconception des composites - 2022).
Le bio-composite peut-il être la solution ?
Dès la naissance de Kaïros Environnement, les développements se sont portés sur les bio-composites ; les matériaux composites partiellement ou totalement biosourcés, c’est-à-dire issus de la biomasse. La première étape a été d’utiliser les fibres végétales et notamment la fibre de lin.
Contrairement à la fibre de verre, elle peut être incinérée. Le composite thermodurcissable ne devient plus déchet ultime mais peut être incinéré.
Attention cependant aux fausses bonnes idées : afin d’être bien imprégnée, la fibre de lin nécessite davantage de résine or entre matrice et fibre, c’est la matrice qui a l’impact environnemental le plus important. Il était donc essentiel de travailler avec des résines thermodurcissables à impact environnemental plus faible et dont le taux de matière issue de la biomasse était le plus important. Malheureusement, les résines thermodurcissables présentent des taux maximums de 22% pour les polyesters, 38% pour les époxy. Surtout, elles limitent la fin de vie du composite à l’incinération sans offrir de solutions de recyclage viable.
De plus, le mix fibres de lin et époxy impose d’être travaillé par infusion, un process industriel qui génère beaucoup de déchets de consommables.
Nous avons donc continué nos développements vers le thermoplastique, notamment en travaillant le polypropylène (PP). La solution permet donc de recycler l’ensemble du composite en le faisant fondre.
Bien que le recyclage soit possible, le plastique pétro-sourcé participe à l’extraction de ressources non renouvelables, est-ce durable ?
Que devient le déchet s’il n’est pas ramené par l’utilisateur final dans la filière de recyclage ?
Nous avons donc souhaité travailler à une solution la plus aboutie possible en travaillant avec des polymères thermoplastiques biodégradables comme l’acide polylactique (PLA) ou encore le Polybutylene adipate terephthalate (PBAT) afin que la solution de compostage devienne envisageable dans le domaine du composite.
Le brevet du Kairlin® comme étape majeure dans nos développements
L'idée du Kairlin® vient de là.
Un panneau thermoplastique biodégradable qui puisse être utilisé dans une multitude d'applications et dont les possibilités de fin de vie ouvrent une voie pour l'industrie du composite.
Avec le Kairlin®, nous avons souhaité pousser le plus loin possible la réflexion de l’économie circulaire dans le secteur du composite en travaillant sur ces cinq piliers : biosourcé, circuit-court, performance industrielle, recyclable et compostable.
- Biosourcé
Le Kairlin® est composé d’étoupes de fibres de lin et d’acide polylactique. Le lin a également l’avantage d’être une culture annuelle de rotation. Elle n’est donc pas en concurrence avec d’autres cultures mais vient en complément en permettant la structuration du sol et la réduction des bioagresseurs. Enfin, le Kairlin® utilise des étoupes de lin qui sont des co-produits générés pendant les phases de teillage et peignage du lin pour ayant pour but d’extraire les fibres.
L’acide polylactique (PLA) est un polymère issu de la fermentation de sucre ou d’amidon provenant de maïs, betterave, canne à sucre, blé ou encore de magnoc. Il est à la fois entièrement biosourcé et compostable en compost industriel. Si le PLA de première génération utilisait le fruit de la plante, le PLA de seconde génération utilise lui les co-produits de la culture.
- Circuit-court
Le lin est une plante qui se cultive principalement sur une zone géographique s’étendant de la Bretagne jusqu'aux Pays-Bas et où la Normandie représente le plus gros producteur mondial. Bien que 90% de la production est aujourd’hui exportée en Asie pour l’industrie du textile, la France a conservé la transformation de la fibre pour l’industrie du composite. Ce qui permet d’avoir une matière première renouvelable et transformée localement en circuit-court.
Le PLA que nous utilisons vient lui des cultures de maïs des Etats-Unis d’Amérique et de canne à sucre de Thaïlande. Il n’existe malheureusement pour le moment pas d’autre producteurs à moins de se fournir en Chine. Néanmoins, Futerro prévoit pour 2026 d'installer une usine de PLA produit à partir de blé à Port-Jérôme-sur-Seine en Normandie. Cela nous permettrait à terme d’avoir un produit entièrement sourcé localement.
Le Kairlin® est lui aussi produit en Normandie avec notre partenaire industriel EcoTechnilin.
- Performance industrielle
Les matériaux composites apportent des propriétés mécaniques très intéressantes grâce aux fibres qui les composent. Cela donne un avantage certain au Kairlin vis-à-vis aux autres panneaux thermoplastiques du marché. En plus de ses propriétés mécaniques et des possibilités qu'il offre en thermoformage, le Kairlin apporte un aspect esthétique unique et un état de surface polimiroir permettant l'impression grand format.
Aujourd'hui, le Kairlin est utilisé dans les secteurs de :
- l'imprimerie,
- la signalétique,
- la publicité sur lieu de vente (PLV),
- dans les secteurs du mobilier et de l'agencement,
- avec des premiers prototypes dans les secteurs de la tôlerie plastique, nautisme, transports et aéronautique.
- Recyclable
Nous avons validé industriellement le recyclage de 100% d’un panneau de Kairlin® en gardant jusqu’ à 95% de ses propriétés mécaniques. Le Kairlin® peut donc être recyclé à plusieurs reprises, sous forme de panneaux de Kairlin® mais également sous forme de compound pour injection plastique.
Pour autant, si un matériau peut théoriquement être recyclable en laboratoire, c’est la viabilité économique du recyclage et l’existence de la filière qui définissent si le matériau peut être réellement recyclé.
Le Kairlin® est un nouveau matériau, il n’existe donc encore pas assez de matière pour qu’une filière de recyclage soit mise en place par les acteurs conventionnels du recyclage qui ont besoin de volumes de déchets importants.
Un acteur conventionnel demande un minimum de 10.000 tonnes /an de déchet d’une matière pour rentabiliser la filière.
C’est pourquoi accompagné de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), nous développons notre propre filière de recyclage proportionnelle au volume de production du Kairlin® actuel et recyclons déjà nos premiers panneaux.
- Compostable
Suivant les cas (positionnement géographique, coût environnemental de la logistique, coût financier, volonté de l’utilisateur final), il se peut que le recyclage du Kairlin® soit compliqué ou ait un impact environnemental trop important. En effet, le recyclage suivant les cas, peut avoir un effet négatif. Ne venons-nous pas d'apprendre dans l'article scientifique « The potential for a plastic recycling facility to release microplastic pollution and possible filtration remediation effectiveness »(The potential for a plastic recycling facility to release microplastic pollution and possible filtration remediation effectiveness by Erina Brown, Anna MacDonald, Steve Allen and Deonie Allen, May 2023) que le recyclage de plastique, plus particulièrement dans ses phases de lavage, est-lui même une source non négligeable de rejet de microplastiques dans l’environnement aquatique ? Le compostage mis en avant par le mouvement Zéro Déchet et notamment l’activiste Béa Johnson (Zéro déchet, Les Arènes, 2013), permet de « rendre à la terre » les déchets qu’il n’est pas possible de recycler. Dans la logique d’économie circulaire, le compost issu du Kairlin® peut être valorisé en agriculture et par conséquent venir nourrir le sol des terres agricoles qui serviront aux cultures du lin et du blé qui serviront de matière première. La certification du Kairlin® pour le compostage industriel du Kairlin® est en cours d’obtention.
L’ensemble des composants du Kairlin® est détaillé dans la fiche d’information environnementale du Kairlin® que nous vous invitons à nous demander.
Ou tout simplement nous aider
à rendre le monde plus harmonieux ?